Comment percer sur Twitch ? Réponse courte : on ne peut pas. Réponse moins courte : on ne peut pas, mais ça n’empêche pas de streamer pour autant. J’ai voulu faire cette vidéo aujourd’hui pour parler un peu de cet espèce de tabou qui tourne autour de ça, et surtout éviter que certains se bercent d’illusions et plaquent tout pour se lancer à fond dans le streaming, notamment sur Twitch.
Pourquoi Twitch
Évidemment, c’est valable pour n’importe quelle plateforme de streaming. Je prends Twitch en exemple car c’est celle qui réunit les deux tiers voire les trois quarts des streamers et, aujourd’hui encore, quand on pense au streaming de jeu vidéo, on pense à Twitch. Tant que ça sera ancré dans la conscience collective, ça ne risque pas de bouger. Peu importe la concurrence.
Bref, on va faire une petite étude de cas et, sans prétention aucune, je prendrai mon propre exemple ainsi que quelques données supplémentaires pour essayer de vous convaincre que percer sur Twitch est impossible. Et en fin de vidéo, je vous dirai surtout pourquoi ce n’est pas grave en fait, qu’il y a une nuance énorme entre percer et réussir.
Devenir la nouvelle star
Si votre objectif final est de devenir la nouvelle star de Twitch et d’avoir votre tête sur des panneaux publicitaires dans les arrêts de bus à Paris, soyons clairs : c’est mort.
Mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas s’en sortir et tirer un bénéfice de Twitch malgré tout. Et je reste volontairement sur l’aspect financier, car on ne va pas se mentir, c’est souvent ça qui donne envie à certains de se lancer sur Twitch. Donc pour le moment je zappe le côté : faites ce que vous aimez en stream, vous passerez de bons moments, et rien qu’avec ça vous pourrez dire que vous avez réussi. On reviendra là-dessus après.
Mais oui, percer sur Twitch dans le sens devenir une star comme Domingo, Maghla ou Kamet0, à moins d’être leur meilleur pote, vous n’y arriverez pas. Je pondère simplement en ajoutant que ça n’empêche pas de réussir dans une certaine mesure. Des streamers qui vivent de Twitch, j’en connais, et ils sont très loin de faire l’audience d’un ZeratoR. Mais peu importe. Et j’avais envie de faire cette vidéo et de donner les faits une bonne fois pour toute car je vois trop de jeunes se lancer sur Twitch dans l’espoir de « percer », ce qui d’ailleurs est un terme que je n’aime pas particulièrement.
Définition de Percer
Quand on parle de « percer sur Twitch », déjà il y a plusieurs choses qui ne vont pas. Streamer et juste espérer que ça marche, c’est le meilleur moyen pour que ça ne marche pas. Sans même parler de percer. Lancer une partie de Warzone et brancher sa webcam, ce n’est pas comme ça qu’on s’en sort sur Twitch. Démarrer sa console ou OBS Studio et cliquer sur « Commencer le streaming » sans savoir ce qu’on va proposer aux spectateurs, ce n’est pas comme ça qu’on s’en sort sur Twitch.
Vous n’imaginez pas le nombre de streamers qui font ça, et qui espèrent. Donc petit rappel avec des stats que je relaye régulièrement sur les réseaux sociaux et qui calment bien comme il faut :
- 95 % des streamers FR font moins de 5 viewers en moyenne
- 99 % des streamers FR font moins de 50 viewers en moyenne
Et là je mentionne juste le nombre de viewers, qui à lui seul n’est même pas une donnée suffisante pour estimer si un streamer arrive à vivre de son activité ou pas. Ça aussi on va y revenir.
Deuxièmement, comme je le disais, « percer » c’est impossible pour le commun des mortels, donc démarrer Twitch en ayant ça comme idéal, c’est mauvais. On peut se fixer des objectifs, y compris des objectifs chiffrés, que ce soit en termes d’audience ou de revenus, mais il faut rester un minimum réaliste. Fixer des objectifs qu’on ne pourra pas atteindre, ça motive deux semaines, et après ça plombe tout. Alors qu’en fixant des objectifs progressifs, la motivation reste bien plus présente.
Par exemple, si je me dis qu’en deux semaines je vais essayer d’atteindre 3 viewers de moyenne, dans un mois j’aurais 100 abonnés YouTube pour compléter ma chaîne Twitch, en deux mois j’aurais fait au moins un clip viral sur TikTok… C’est largement plus à portée et du coup, en atteignant ces objectifs, on a vraiment la sensation de progression, et on peut éventuellement fixer d’autres paliers par la suite, viser un peu plus haut. Mais direct se dire « je me lance sur Twitch et je serai le prochain Gotaga », bah fallait se dire ça en 2013, aujourd’hui, sans stratégie, on n’arrivera à rien.
Et même « stratégie », c’est un grand mot, c’est au moins donner une orientation à votre chaîne ou plus globalement à votre contenu. Avoir un plan, et essayer de le suivre. Faire preuve de bon sens. Suivre les tendances mais ne pas faire que ça, proposer du contenu original et pas se contenter de streamer vos parties de LoL. Oui, c’est compliqué, et non, je ne le ferai pas pour vous. Si vous voulez devenir streamer, vous devez devenir créateur de contenu. Et devinez quoi ? C’est un métier, c’est du taf, ça ne se fait pas tout seul. Il faut réfléchir, élaborer, créer, mettre en place, animer… tout en gardant les objectifs en tête, en gérant les réseaux sociaux, le stress des statistiques qui ne sont pas au rendez-vous, les trolls omniprésents… Il faut être solide pour supporter tout ça, n’en déplaise à ceux qui vous diront que c’est plus fatiguant de charrier des sacs de ciment sur les chantiers. Oui c’est fatiguant, mais faire travailler son cerveau, ça l’est aussi, la fatigue mentale, c’est pas une légende urbaine.
Étude de cas
Et là vous allez me dire que c’est bien beau tout ce blabla, mais ça ne prouve rien. C’est pour ça que j’ai été au charbon. Durant trois mois, j’ai streamé tous les jours de la semaine, tous les matins. Ce n’est absolument pas mon créneau, depuis longtemps je ne fais plus qu’un stream par semaine, le dimanche soir. Bref, j’ai streamé sans stratégie, sans produire de contenu annexe, juste en proposant des lives certes animés correctement avec la modeste expérience qui est la mienne, mais ça s’est arrêté là, je n’ai pas cherché à me développer sur Twitch, j’ai juste voulu documenter ce test basique pour vous montrer les résultats. Et rien que là, vous voyez qu’il y a déjà un petit biais puisque, en plus, je pars d’une base de 14000 followers sur Twitch. Mais bon, voici les résultats.
Sur ces trois mois de streams réguliers, j’ai cumulé en temps de streaming 170 heures, soit à peu de choses près 60 heures par mois, donc 15 heures par semaine, ce qui correspond bien à mes 3 heures de stream quotidien sur les cinq jours de la semaine. Et vous constatez bien que c’est largement plus que ma moyenne habituelle avec mon seul stream du dimanche soir.
Au niveau de la moyenne de spectateurs, comme on pouvait s’y attendre, comme je n’étais pas sur mon créneau j’ai eu une moyenne plus basse avec environ 50 viewers par stream. Habituellement, je tourne plutôt à 80-85 viewers en moyenne. Ça fait quand même une baisse de plus de 40 % d’audience, c’est pas mal. Mais ce n’est pas ça le plus important.
En matière de followers, vous pouvez noter que j’en ai gagné davantage, quasiment le double par rapport aux périodes habituelles. Bon, c’est bien, mais ça n’a pas eu d’impact sur l’audience et ça me permet de rappeler une chose essentielle : le nombre de followers n’a absolument aucune valeur. C’est exactement comme sur les autres réseaux sociaux, des comptes Twitter ou Insta à plusieurs centaines de milliers de followers et seulement 3 likes sur chaque publication, ça n’a aucun intérêt, ce qui compte, ce sont les interactions, l’engagement avec votre audience.
Du coup j’en arrive au volet financier. Ces trois mois de stream m’ont permis de générer davantage de revenus que d’habitude, ça paraît logique vu que j’ai streamé davantage. J’ajoute qu’il y a un autre biais énorme à prendre en compte ici, c’est que durant le mois d’août il y a eu le Hype Challenge sur Twitch, et pour la blague j’avais même fait un stream spécial NPC qui a finalement été plutôt bien reçu, n’en déplaise à ceux dépourvus de second degré. Donc revenus en hausse, avec un mois à 500 euros et une moyenne à 330 euros par mois.
Je passe sur les évidences telles que le temps de visionnage en hausse, normal vu que j’ai streamé davantage. J’ajouterai simplement une note assez intéressante : pas mal de viewers ont dit avoir découvert la chaîne via les recommandations, je ne pensais pas qu’il y en aurait autant. Est-ce que c’est parce que je ne streame pas autant habituellement que ma chaîne a été davantage recommandée ou est-ce parce que j’étais sur un autre créneau horaire ? Difficile à dire, mais je note quand même ces retours.
En résumé, j’ai streamé 6x plus que d’habitude, j’ai gagné 2x plus de followers et gagné 3x plus d’argent, tout en prenant en compte le Hype Challenge qui y a largement contribué. Donc quand on voit le résultat, est-ce que ça valait le coup ? Si j’avais gagné 6x plus de followers et gagné 6x plus d’argent, à la limite j’aurais dit oui, mais là vu l’investissement de temps, clairement non. Et je rappelle encore une fois qu’en plus je pars d’une base de 14000 followers, sans compter ma chaîne YouTube qui booste aussi ma chaîne Twitch.
Conclusion : streamer tous les jours, tout le temps, sans s’arrêter et surtout sans stratégie ni plan de développement, ce n’est pas comme ça qu’on réussit sur Twitch. C’était valable en 2013, on est en 2024, fin de la blague. Et oui, il y a de nombreux biais dans mon exemple, libre à vous de faire vos propres tests, mais si on ajoute à ça ne serait-ce que la simple observation de ce qui se passe sur Twitch, ce que je fais à mon humble niveau depuis des années, je ne vois vraiment pas comment la conclusion pourrait être différente.
Percer non, réussir oui
Donc je le répète, percer sur Twitch, tout seul, aujourd’hui, ce n’est pas possible. Mais réussir, ce n’est pas forcément exclu, et tout dépend de ce qu’on entend par là. J’en parlais au début de la vidéo, mais au final, chacun peut mesurer sa propre réussite, tout le monde n’a pas les mêmes objectifs. On peut considérer avoir réussi en ayant atteint une certaine moyenne de viewers, en ayant atteint un palier de revenus ou plus simplement en ayant bâti une communauté. Tout est question de point de vue.
Maintenant si je reprends mon exemple, je considère que je n’ai pas réussi sur Twitch, en tout cas pas à tous les niveaux. Niveau communauté, c’est un succès, modeste certes et même si certains sont partis au fil du temps, d’autres sont arrivés et on retrouve quand même souvent les mêmes, ceux que j’appelle affectueusement les fidèles.
Niveau revenus, c’est un échec complet. Si je prends les résultats de mon test où j’ai gagné plus que d’habitude, j’entends déjà ceux qui me diront que 330 € par mois c’est vachement bien, qu’ils seraient contents de gagner ça avec Twitch. Oui, c’est pas mal, mais à ceux-là je leur répondrai en leur posant une question toute simple : vous faites quoi, avec 330 € ? Chez moi on est deux, ma femme et moi, ça ne paye même pas la nourriture pour le mois… Et là on va me dire aussi :
Bah t’as stream que 15h par semaine, fais 30h et tu gagneras 2x plus !
Sauf qu’on a vu justement que ce n’était pas linéaire, ça serait trop beau.
Vivre du stream ?
Alors on va quand même tempérer là aussi car pour vivre du stream, il faut non seulement de bonnes stats, mais il faut aussi que la générosité de votre communauté suive. Mais admettons, vous avez réuni des gens qui vous suivent régulièrement et qui vous soutiennent, combien faut-il de Subs pour vivre du stream ?
On va partir sur l’équivalent du SMIC, ce qui est déjà très limite pour vivre dans certains coins de France, mais ce n’est pas la question. Au 1er janvier 2024, le SMIC net est à environ 1400 €. Et j’ai bien dit « net ». Donc il faut que j’arrive à ce montant avec mes Subs, après avoir payé environ 22 % à l’URSSAF pour avoir le total net. Sachant que sur un Sub, je touche environ 1,55 €, il me faudrait environ 1160 Subs chaque mois pour assurer un SMIC. Et à ceux qui ont envie de mentionner des plateformes plus généreuses comme Kick : oui, la répartition est plus favorable au streamer, mais réussir à avoir 500 Subs sur Kick c’est comme réunir 1000 Subs sur Twitch, c’est quand même tendu.
Alors bien sûr, on peut réduire ce nombre de Subs requis, car arrivé à un certain niveau sur Twitch, on a aussi les pubs qui rapportent un peu, bon c’est pas grand-chose mais on ne crache pas sur quelques euros. On a aussi les éventuelles donations, les bits, les opés, les sponsos… Donc finalement il faut un peu moins que 1160 Subs, mais je ne peux pas vous dire combien, ça dépend de trop de paramètres, chacun négocie différemment ses contrats ou ses opés par exemple, certains ont des donations quand d’autres n’en ont pas. Là l’idée c’était de situer grossièrement la barrière à franchir pour vivre du stream, et tout ce qu’on peut retenir c’est qu’elle est sacrément haute, cette barrière.
Au passage, on a le droit d’avoir pour objectif de vivre du stream, ce n’est pas sale. Alors il faudra aussi faire avec tous ceux qui considèrent que ça ne sera jamais un métier, trop aveuglés qu’ils sont par leur propre peur de l’échec et leur incapacité à se lancer dans un tel projet. Ou une quelconque entreprise d’ailleurs, car créer une entreprise, ce n’est pas donné à tout le monde. Certains seront plus épanouis en étant salariés, certains le seront davantage en étant à leur compte, peu importe, contrairement aux détracteurs du streaming, ici on ne juge personne, on expose des avis, on réfléchit, sans dénigrer telle ou telle catégorie socio-professionnelle.
Aller plus loin
Conclusion de tout ça, percer sur Twitch : c’est mort. Réussir sur Twitch : c’est possible, ça dépend de votre propre définition. Vivre du stream : c’est quand même bougrement compliqué, pas hors d’atteinte, mais compliqué. Donc si avec tout ça vous avez encore envie de vous lancer sur Twitch pour « percer », j’ai envie de dire : réussissez d’abord, percer on verra plus tard. Et si vous êtes curieux, vous pouvez voir ici combien gagne un petit streamer, avec un bilan final qui va vous surprendre.
Crédit miniature : https://twitter.com/Zeneles